Tristesse d'Olympio (Víctor Hugo) (1802 – 1885)
Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes.
Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes
Sur la terre étendu,
L'air était plein d'encens et les prés de verdures
Quand il revit ces lieux où par tant de blessures
Son coeur s'est répandu !
L'automne souriait ; les coteaux vers la plaine
Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine ;
Le ciel était doré ;
Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme,
Disant peut-être à Dieu quelque chose de l'homme,
Chantaient leur chant sacré !
Il voulut tout revoir, l'étang près de la source,
La masure où l'aumône avait vidé leur bourse,
Le vieux frêne plié,
Les retraites d'amour au fond des bois perdues,
L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues
Avaient tout oublié !
Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d'où l'oeil plonge en une oblique allée,
Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. - Au bruit de son pas grave et sombre,
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre
Des jours qui ne sont plus !
Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime
Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même,
Y réveille l'amour,
Et, remuant le chêne ou balançant la rose,
Semble l'âme de tout qui va sur chaque chose
Se poser tour à tour !
Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire,
S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre,
Couraient dans le jardin ;
Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées
S'envolent un moment sur leurs ailes blessées,
Puis retombent soudain.
Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques ;
Il rêva jusqu'au soir ;
Tout le jour il erra le long de la ravine,
Admirant tour à tour le ciel, face divine,
Le lac, divin miroir !
Hélas ! se rappelant ses douces aventures,
Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures,
Ainsi qu'un paria,
Il erra tout le jour, vers l'heure où la nuit tombe,
Il se sentit le coeur triste comme une tombe,
Alors il s'écria :
" O douleur ! j'ai voulu, moi dont l'âme est troublée,
Savoir si l'urne encor conservait la liqueur,
Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée
De tout ce que j'avais laissé là de mon coeur !
Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !
Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les fils mystérieux où nos coeurs sont liés !
Nos chambres de feuillage en halliers sont changées !
L'arbre où fut notre chiffre est mort ou renversé ;
Nos roses dans l'enclos ont été ravagées
Par les petits enfants qui sautent le fossé.
Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée,
Folâtre, elle buvait en descendant des bois ;
Elle prenait de l'eau dans sa main, douce fée,
Et laissait retomber des perles de ses doigts !
On a pavé la route âpre et mal aplanie,
Où, dans le sable pur se dessinant si bien,
Et de sa petitesse étalant l'ironie,
Son pied charmant semblait rire à côté du mien !
La borne du chemin, qui vit des jours sans nombre,
Où jadis pour m'attendre elle aimait à s'asseoir,
S'est usée en heurtant, lorsque la route est sombre,
Les grands chars gémissants qui reviennent le soir.
La forêt ici manque et là s'est agrandie.
De tout ce qui fut nous presque rien n'est vivant ;
Et, comme un tas de cendre éteinte et refroidie,
L'amas des souvenirs se disperse à tout vent !
N'existons-nous donc plus? Avons-nous eu notre heure ?
Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus ?
L'air joue avec la branche au moment où je pleure ;
Ma maison me regarde et ne me connaît plus.
D'autres vont maintenant passer où nous passâmes.
Nous y sommes venus, d'autres vont y venir ;
Et le songe qu'avaient ébauché nos deux âmes,
Ils le continueront sans pouvoir le finir !
Car personne ici-bas ne termine et n'achève ;
Les pires des humains sont comme les meilleurs ;
Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs.
Oui, d'autres à leur tour viendront, couples sans tache,
Puiser dans cet asile heureux, calme, enchanté,
Tout ce que la nature à l'amour qui se cache
Mêle de rêverie et de solennité !
D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos retraites ;
Ton bois, ma bien-aimée, est à des inconnus.
D'autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes,
Troubler le flot sacré qu'ont touché tes pieds nus !
Quoi donc ! c'est vainement qu'ici nous nous aimâmes !
Rien ne nous restera de ces coteaux fleuris
Où nous fondions notre être en y mêlant nos flammes !
L'impassible nature a déjà tout repris.
Oh ! dites-moi, ravins, frais ruisseaux, treilles mûres,
Rameaux chargés de nids, grottes, forêts, buissons.
Est-ce que vous ferez pour d'autres vos murmures ?
Est-ce que vous direz à d'autres vos chansons ?
Nous vous comprenions tant ! doux, attentifs, austères,
Tous nos échos s'ouvraient si bien à votre voix !
Et nous prêtions si bien, sans troubler vos mystères,
L'oreille aux mots profonds que vous dites parfois !
Répondez, vallon pur, répondez, solitude,
O nature abritée en ce désert si beau,
Lorsque nous dormirons tous deux dans l'attitude
Que donne aux morts pensifs la forme du tombeau,
Est-ce que vous serez à ce point insensible
De nous savoir couchés, morts avec nos amours,
Et de continuer votre fête paisible,
Et de toujours sourire et de chanter toujours ?
Est-ce que, nous sentant errer dans vos retraites,
Fantômes reconnus par vos monts et vos bois,
Vous ne nous direz pas de ces choses secrètes
Qu'on dit en revoyant des amis d'autrefois ?
Est-ce que vous pourrez, sans tristesse et sans plainte,
Voir nos ombres flotter où marchèrent nos pas,
Et la voir m'entraîner, dans une morne étreinte,
Vers quelque source en pleurs qui sanglote tout bas ?
Et s'il est quelque part, dans l'ombre où rien ne veille,
Deux amants sous vos fleurs abritant leurs transports,
Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille :
- Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts !
Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,
Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds
Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,
Pour y mettre nos coeurs, nos rêves, nos amours ;
Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme ;
Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons ;
Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme,
D'effacer notre trace et d'oublier nos noms.
Eh bien ! oubliez-nous, maison, jardin, ombrages !
Herbe, use notre seuil ! ronce, cache nos pas !
Chantez, oiseaux ! ruisseaux, coulez ! croissez, feuillages !
Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas.
Car vous êtes pour nous l'ombre de l'amour même !
Vous êtes l'oasis qu'on rencontre en chemin !
Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême
Où nous avons pleuré nous tenant par la main !
Toutes les passions s'éloignent avec l'âge,
L'une emportant son masque et l'autre son couteau,
Comme un essaim chantant d'histrions en voyage
Dont le groupe décroît derrière le coteau.
Mais toi, rien ne t'efface, amour ! toi qui nous charmes,
Toi qui, torche ou flambeau, luis dans notre brouillard !
Tu nous tiens par la joie, et surtout par les larmes.
Jeune homme on te maudit, on t'adore vieillard.
Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline,
Où l'homme, sans projets, sans but, sans visions,
Sent qu'il n'est déjà plus qu'une tombe en ruine
Où gisent ses vertus et ses illusions ;
Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles,
Comptant dans notre coeur, qu'enfin la glace atteint,
Comme on compte les morts sur un champ de batailles,
Chaque douleur tombée et chaque songe éteint,
Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe,
Loin des objets réels, loin du monde rieur,
Elle arrive à pas lents par une obscure rampe
Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur ;
Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile,
L'âme, en un repli sombre où tout semble finir,
Sent quelque chose encor palpiter sous un voile...
C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir ! "
Víctor Hugo (1802 – 1885) Tristeza de Olympio
Los campos no eran áridos, los cielos no estaban nublados.
No, el día brillaba con un azul sin límites
En la tierra extendida,
El aire estaba lleno de incienso y las cercas de hojas.
Cuando vio los lugares donde nacieron tantas emociones
¡Su corazón se ensanchó!
El otoño sonreía; las colinas hacia la llanura
Derramaban sus encantados bosques que apenas amarilleaban;
El cielo era de oro;
Y los pájaros se volvieron hacia todo lo creado,
Tal vez para decir a Dios algo del hombre,
¡Cantando su canto sagrado!
Quería revisarlo todo, el estanque cerca de la fuente,
La choza donde la limosna había vaciado sus bolsillos
Las viejas cenizas recogidas,
Los reproches de amor perdidos en el bosque,
El árbol donde con los besos sus almas se fundían
Olvidándose de todo!
Buscó el jardín, la casa aislada,
El punto desde donde el ojo se sumerge en un oblicuo camino,
Los huertos en pendiente.
Pálido, caminaba. - En el sonido de su paso grave y oscuro,
Veía en cada árbol, ¡ay! el dibujo de la sombra
De los días que ya no volverán!
Se emocionó en el bosque que ama.
Este viento suave que, haciendo vibrar nuestro interior,
Revive el amor,
Y, agitando el roble o balanceando la rosa,
Parece el alma de todo que sobre cada cosa, en ellas
Se posa envolviéndolas!
Las hojas temblorosas en el bosque solitario,
Tratan de elevarse sobre la tierra,
Corren por el jardín;
Así que, a veces, cuando el alma está triste, nuestros pensamientos
Vuelan por un momento hacia sus alas heridas,
Y, de repente, vuelven a caer.
Contempló largo tiempo las magníficas formas
De la naturaleza sobre los pacíficos campos;
Soñaba hasta la noche;
¡Todo el día vagó a lo largo de la quebrada,
Admirando ora el cielo, rostro divino,
Ora el lago, espejo divino!
¡Ay! recordando sus dulces aventuras,
Mirando, sin entrar, sobre las cercas,
como un paria,
vagó todo el día, hasta la caída de la noche,
Sintió su corazón triste como una tumba,
Entonces exclamó:
"¡Oh dolor! Yo he amado, mi alma está turbada,
Saber si la vasija aún conservaba el licor,
Y ver lo que había sucedido en este feliz valle,
Y todo lo que allí había quedado de mi corazón!
¡Qué poco tiempo basta para cambiar todas las cosas!
¡La naturaleza al fondo, serena, cómo lo habías olvidado!
¡Y cómo quebraste con tus metamorfosis
Los hilos misteriosos con los que nuestros corazones se entrelazan!
¡Nuestros parques, nuestras flores, en matorrales se han transformado!
El árbol donde grabamos nuestro aniversario, talado; o se ha secado.
Las rosas de nuestro jardín han sido devastadas
Por los niños que saltan los vallados y cercados.
Un muro protege la fuente de donde, en los días calurosos,
Juguetona, ella bebía descendiendo del bosque;
¡Tomaba el agua en su mano, dulce hada,
Y dejaba resbalar unas perlas entre sus dedos!
Se ha allanado el camino duro y pedregoso,
En que en la arena pura, se dibujaba tan bien,
Y de su pequeñez, extendiendo la ironía,
Su pie encantador parecía reír al lado del mío.
El ribazo del camino, que vivió infinitos días maravillosos,
Donde cuando me esperaba, a ella le encantaba sentarse,
Se ha destrozado, cuando el camino está oscuro,
Por los grandes tanques rugientes que vuelven al atardecer.
Falta el bosque aquí, y allá se ha extendido.
De todo lo que teníamos casi nada está vivo.
Y, como un montón de cenizas inertes y frías,
Un cúmulo de recuerdos han sido esparcidos al viento.
¿No existimos ya? ¿Ha pasado ya nuestro tiempo?
¿Nada nos devolverá nuestras voces despreocupadas?
El aire juega con las ramas mientras yo lloro;
Mi casa me mira y no me conoce ya.
Otros están pasando ahora por donde nosotros pasamos.
Nosotros ya llegamos, otros también llegarán aquí;
Y el sueño que había dibujado nuestras dos almas,
¡Ellos lo continuarán sin poder terminarlo!
Pues nadie aquí bajo termina ni completa;
Los peores de los seres humanos son como los mejores;
Todos nos despertamos en el mismo episodio del sueño.
Todo comienza en este mundo y todo acaba fuera de él.
Sí, otros a su vez vendrán, parejas sin tacha,
Que disfrutarán en este paraje feliz, tranquilo y encantado,
Todo lo que la naturaleza ofrece al amor que allí se vive,
¡Mezcla de sueños y de solemnidad!
Otros disfrutarán nuestros campos, nuestros senderos, nuestros escondites;
Tu bosque, amada mía, es ahora para desconocidos.
¡Otras mujeres vendrán, bañistas indiscretas,
A turbar el suelo sagrado que han pisado tus pies desnudos!
¡Cómo! ¡Cuán en vano nosotros, aquí, nos amamos!
¡Nada nos quedará de estas colinas en flor
Donde nosotros hundimos nuestro ser, nuestra pasión mezclada!
La naturaleza impasible ya todo lo ha consumido.
¡Oh! Decidme, quebradas, frescos arroyos, sarmientos y barrancos,
Ramajes cargados de nidos, cuevas, bosques, arbustos,
¿Guardaréis para otros vuestros murmullos?
¿Les cantaréis a ellos vuestras canciones?
¡Nosotros os comprendemos tanto! Dulces, atentos, austeros,
¡Todos nuestros ecos suenan tan bien en vuestra voz!
¡Y nosotros deseamos tanto, sin turbar vuestro misterio,
Oír las palabras profundas que vosotros, a veces, decís!
Responded valle puro, responded soledad,
¡Oh! Naturaleza privilegiada en este desierto tan bello,
Cuando nosotros moremos juntos en las alturas
Que da a los muertos la forma de las tumbas,
¿Seréis vosotros insensibles hasta el punto de
Sabernos enterrados, muertos con nuestros amores,
Y de continuar vuestra fiesta pacífica,
Y de siempre sonreír y de cantar siempre?
¿Es que, sintiéndonos vagar en vuestros reproches,
Fantasmas reconocidos, por vuestros montes y vuestros bosques,
Vosotros no nos hablaréis de esas cosas secretas
Que uno dice cuando se reencuentra con amigos de otra época?
¿Acaso podréis vosotros, sin tristeza y sin llanto,
Ver nuestras sombras flotar por donde discurrieron nuestros pasos,
Y verla entrelazarme, y en un triste abrazo
Y en voz baja, vagar hacia cualquier fuente sollozando?
Y si ellos están en cualquier lugar, en la sombra donde nadie mora,
Dos amantes bajo vuestras flores cuidando sus pasos,
No les iréis a murmurar al oído:
¡Vosotros, los que vivís, ofreced un recuerdo a los muertos!
Dios nos presta un momento los prados y las fuentes,
Los grandes bosques animados, las rocas profundas y sordas
Y los cielos azulados, y los lagos y las llanuras,
Para guardar allí nuestros corazones, nuestros sueños, nuestros amores;
Después Él nos los quita. Él apaga nuestro fuego apasionado;
Se sumerge en la noche de la cueva en que nosotros brillamos;
E invita al valle, donde se impregnó nuestra alma,
A borrar nuestras huellas y olvidar nuestros nombres.
Y bien, ¡olvidadnos, casa, jardín, sombra!
¡Hierba, cubre nuestro asiento! ¡zarza, cubre nuestros pasos!
¡Cantad, pájaros! ¡arroyos, discurrid! ¡plantas, creced!
Aquellos a los que vosotros olvidasteis, no os olvidarán jamás.
¡Pues vosotros sois para nosotros la sombra del amor mismo!
¡Vosotros sois el oasis que uno encuentra en el camino!
¡Vosotros sois, oh valle, el refugio supremo!
Donde nosotros hemos llorado, entrelazadas las manos!
Todas las pasiones se apagan con la edad,
La una llevándose su máscara y el otro su cuchillo,
Como un enjambre sonoro de comediantes en viaje
Troupe que desaparece detrás de la colina.
¡Mas tú, nada te borra, amor! ¡Tú que nos encantas,
Tú que, vela o antorcha, brillas en nuestra niebla!
Tú nos esperas con gozo y, sobre todo, con lágrimas.
El joven te maldice, el viejo te adora
En estos días en que la espalda se curva con el peso de la edad,
En que el hombre, sin proyectos, sin objetivos, sin futuro,
Siente que no es ya nada más que una tumba en ruinas
En que son mentira sus virtudes y sus ilusiones;
Cuando nuestra alma desciende soñando en nuestras entrañas,
Ocupando nuestro corazón, que al fin, alcanzado el hielo,
Como se cuentan los muertos en un campo de batalla,
Cada dolor vencido y todos los sueños apagados.
Como alguien que busca portando una lámpara,
Lejos de los objetos reales, lejos del mundo feliz,
Ella llega a pasos lentos por una oscura rampa
Hasta el fondo desolado del abismo interior;
Y allí, en esta noche en que ningún rayo alumbra,
El alma, en un rincón sombrío donde todo parece terminar,
Siente todavía palpitar algo bajo un velo
¡Eres tú, que duermes en la sombra, oh sagrado recuerdo!
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